Monday, August 24, 2009

Lettre ouvert a Moussa Dadis Camara President du CNDD

© Monsieur le Président du Conseil National de la Démocratie et pour le Développement – CNDD, c’est avec une immense joie que je viens par la présente, porter à votre connaissance mon soutien indéfectible aux déclarations que vous aviez formulées lors de votre prise de pouvoir le 23 décembre 2008. Dans la logique de ces déclarations qui faisaient office de discours programme de la transition, vous pouvez d’ores et déjà m’enregistrer parmi vos indéfectibles supporters.

Monsieur le Président, toutefois, lorsqu’on soutient un individu, fut-il le Premier Magistrat de la Guinée, l’honnêteté intellectuelle voudrait que, lorsqu’il commence à se départir de ses objectifs initiaux qu’il s’est fixés, de le ramener à la raison.

Monsieur le Président du Conseil National de la Démocratie et pour le Développement – CNDD, vous ne lisez certainement pas les informations diffusées sur la toile. Je suis persuadé que votre alter égo, le Général Sékouba Konaté qui est friand d’Internet, vous fera écho, j’en suis convaincu de cette fraternelle lettre ouverte qui vous est adressée. Certains de vos porte-manteaux pourront vous le lire aussi.

Monsieur le Président du Conseil National de la Démocratie et pour le Développement – CNDD, depuis 8 mois, vous dirigez la Guinée et vous avez entre vos mains, les destinées du pays. A moins de vouloir rester dans le sable mouvant de l’histoire africaine, M. Président, vous êtes sur une mauvaise pente. J’ai le droit, à l’instar de nombreux concitoyens sans voix, de tirer la sonnette d’alarme sur certaines errances par inadvertance que vous commettez sans certainement le savoir.

Monsieur le Président, votre arrivée au pouvoir avait suscité plein d’espoirs d’un retour à la normale, après que la Guinée ait végété plusieurs décennies durant, sans avoir une ligne de conduite exemplaire. De maigres espoirs s’efforcent de se maintenir dans le cœur de millions de Guinéens qui croient encore en vous pour l’organisation des élections libres, crédibles, transparentes avec la participation de tous les acteurs, je dis bien de tous les acteurs politiques, sans exclusion de qui que ce soit, en cette fin d’année 2009. Peine perdue ! La commission ad hoc s’est chargée du report des élections pour 2010. Devant cette nouvelle donne, M. le Président vous languissez.

Il arrive dès fois, Président Dadis qu’on ne retienne aucun mérite à ceux qui ont voulu s’éterniser au pouvoir. J’ose croire que vous n’êtes pas de ceux-là. C’est bien fou ce que le pouvoir peut nous amener à faire, même chez l’homme le plus humble qui se dit non assoiffé de pouvoir ! C’est dans ce sens que je vous exhorte M. le Président, à lutter contre les forces du mal qui gravitent autour de vous. Ceux-là qui, hier entouraient le Général Lansana Conté et trompaient le peuple dans la pénombre. Ce sont ceux qui vous amènent à prendre des positions impopulaires. Ils vous diront, ces charlatans, ces « diseurs de bonnes vérités » qui se font passer pour des conseillers occultes, que je suis, comme nombreux Guinéens de l’extérieur, qui portent des lunettes occidentales, assis sur les balcons à donner des leçons de moral. Loin de là Monsieur le Président ! Je ne peux pas imaginer que les huit (8) derniers mois ont pu emmener un jeune soldat, ‘’espoir’’ de tout un peuple, à devenir celui qui va les conduire à l’égarement dans un désert de désespoirs et du chaos.

Monsieur le Président, je me méfie très souvent des souvenirs politiques, je vois mon pays s’émietter. Je vois des dadais aux jambes d’asperge, aux têtes navettes portant des culottes courtes et blouses kaki d’écoliers gravir autour de vous. Une kyrielle d’erreurs politiques sont déjà à votre actif. Vous n’y prêtez certainement pas attention et vos conseillers en marbre en ont d’autres à vous magnifier dans les oreilles. Deux décennies durant votre prédécesseur a été ainsi trompé. Les mêmes arbres produisent toujours les mêmes fruits. Surtout lorsque que le terrain sur lequel on défriche est déjà aride et qu’on s’obstine à vouloir semer là-dessus. Je vous accorde pourtant le bénéfice du doute.

Mais, M. Dadis, sachez que le mot « démission » ne fait pas partie du vocabulaire des cadres guinéens. Dans l’abîme, ils vous conduiront. A y penser d’ailleurs, une légère excitation monte en moi. Dans le discours programme du 23 décembre 2008 portant sur la transition, vous vous êtes engagé à bannir l’exclusion, le régionalisme, l’ethnocentrisme, ainsi que d’autres maux pervers qui gangrènent la société guinéenne. Certaines de vos actions entreprises sont forts louables, je vous félicite et vous encourage à persévérer dans la moralisation des dépenses publiques.
Mais, la nomination des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires n’est pas exempte de tout reproche. Dans un pays fortement sensible à l’exclusion régionale, le dosage ethnique et régional est loin d’avoir été respecté dans les différentes nominations. Kabinet Komara en porte une grande responsabilité puisque, pour avoir été fonctionnaire en Guinée, il sait que l’équilibre régional dans les nominations fut l’un des points forts de la politique de Lansana Conté. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui dans les nominations fantaisistes qui pullulent dans la cité.

Monsieur le Président, vos collaborateurs immédiats ne vous le diront pas, heureusement je ne suis pas de ceux-là. Vous devez dans le futur tenir compte de cet équilibrisme régional qui vous est si cher et qui fait cruellement défaut dans vos nominations depuis dix mois. Il n’y a aucun citoyen, aucune ethnie, aucune région supérieure à l’autre, vous en avez fait une marque de fabrique, il serait mieux d’en tenir compte pour ne pas vous dédire. Monsieur le Président, vous avez voulu faire table rase du passé mais, il vous rattrape. De plus en plus d’individus vils reviennent aux affaires. Du contéisme, ils sont passés au dadisme sans vergogne.

Sur le plan économique, Monsieur le Président, des sommes colossales sont sorties des caisses de l’Etat sans qu’on ne sache leurs véritables destinations. Plus de vingt millions de dollars pour la réfection des casernes, un acte concret et visible sur le terrain par les chantiers en construction. Mais, que sont devenus les trente millions de dollars devant servir à habiller les militaires ? Et dire qu’un hélicoptère présidentiel qui ne sert vraisemblablement à rien, acheté à 12 millions d’euros, on se croirait dans une monarchie du Golf. Ces dépenses étaient loin des priorités des populations guinéennes. Monsieur le Président, aujourd’hui, ces sociétés écrans à qui des millions de dollars ont été donnés n’ont toujours pas livré les tenues militaires. Une attitude dilapidatrice des fonds publics héritée de l’ancien régime mais, avec un brin d’amateurisme.

Monsieur le Président Moussa Dadis, souvenez-vous, en 2008, dès vos premières décisions, le charme avait opéré. Aujourd’hui c’est un charme alangui, convenu, confit. Aujourd’hui, pas une phrase qui swingue, pas une image qui s’imprime. Et vous conviendrez avec moi, pour tout le respect que je vous dois, de faire des remarques sur certains de vos collaborateurs immédiats flanqués au sein du CNDD. Certains d’entre eux, évidemment que je parle de ceux du CNDD, sont animés de sentiments minuscules dont la pudeur se confond avec le néant dont la correction de la langue flirte avec le traité de grammaire et tiennent des langages tenus par un instituteur des temps colons. J’ai l’impression, à les entendre, d’avaler un nuage de craie. Ce sont eux qui veulent vous conduire à vous dédire, à renier vos engagements de soldat digne. Un soldat sans failles jusqu’au 23 décembre 2008. Moi je crois en vous, en ce grand soldat aimé de ses pairs, porté à la tête d’une junte et qui n’a jamais failli devant ses engagements librement pris et qui résiste contre vents et marées aux tentations sataniques du pouvoir. Même en diagonale, la lecture de leurs déclarations est pénible. Dans les déclarations en faveur des populations guinéennes, il y a une absence remarquable d’humour, un défaut d’ambigüité, un bannissement résolu de toute fantaisie.

Monsieur le Premier magistrat du pays, il est encore temps pour changer de tactiques et de méthodes de gestion des hommes et de la chose publique. Le premier grand chantier que vous devez mettre sur pied est la refondation des forces Armées guinéennes et le casernement des militaires. Cette armée guinéenne, puisqu’il s’agit d’elle, est la source d’instabilité politique et sociale dans le pays. Son rayonnement intellectuel, son ouverture d’esprit et son vivre ensemble dans l’acceptation des différences, est le socle d’une paix sociale durable en Guinée. C’est une tache ardue mais avec une dose de volonté politique, c’est possible d’y arriver.

Organisez des élections crédibles et transparentes, une nouvelle fois, je le répète sans votre participation. Pas parce que vous êtes incapable d’assumer les charges de la fonction mais parce que le militaire est un honnête homme qui ne se renie pas à tout bout de champs comme certains vulgaires et vauriens de politiciens qui promettent et qui ne tiennent pas promesses. A moins que vous ne tronquiez le treillis contre le costume-cravate.

On irait en ce moment plus vite en besogne. Mais, en acceptant d’être l’arbitre des élections, on verra le bout du tunnel, rien ne sera plus comme avant, on pourrait prendre conseils au près de notre ancien chef d’Etat. Vous resterez à jamais gravé dans les mémoires et vous serez accueilli dans le gotha très fermé de ces nobles hommes d’Etat qui ont su viser les intérêts supérieurs de leur peuple et se sont départis des plans machiavéliques mis en place par les collaborateurs indécents. M. Dadis, c’est notre dernière chance de revenir dans le concert des nations en voie de développement.

Monsieur le Président, auriez-vous, pour démentir les plus sceptiques, l’audace et le sens de l’intérêt général nécessaires pour réussir un tel sursaut ? J’ose le croire parce qu’en définitive tout dépend de vous et de vous seul, vous l’avez dit et redit. Sachez une chose M. Dadis Camara, si vous revenez sur vos propos, la Guinée prolongera le bail des eus et mœurs des deux précédentes républiques dont vous êtes l’un des véritables pourfendeurs. Déjà, les prémisses sont visibles : dans le rétroviseur, la politique d’esbroufe et d’injustice ici et là dans la cité. Les militaires qui font ce qu’ils veulent en toute impunité.

Monsieur le Président du CNDD, chaque jour qui passe est porteur de mauvais coups destinés à saper les pauvres droits et libertés acquis sous la deuxième République. Jusqu’à ce symbolique repos du week-end auquel les guinéens avaient droit. Aujourd’hui, personne, nulle part sur le territoire, ne peut se sentir en sécurité. Même les « serfs » ne se sentent plus assurés de rien, ne puisse organiser une vie familiale, nulle rencontre amicale, un beau remake des années Lansana Conté : cacophonie dans les nominations, autorités religieuses meilleures que les enseignants, seigneurs exonérés d’impôts, financiers et malfrats aux postes clés.
On a l’impression de revivre le régime du président Lansana Conté dans ses derniers jours avant son effondrement. Toutes les prémisses sont là pour déclarer le régime du CNDD conforme à celui du Général Conté dans son extrême-onction.

Rien n’est encore perdu. Monsieur le Président je vous conjure de profiter de cette apparente accalmie qui prévaut pour apaiser les esprits et faire sur vous, un indispensable travail du self contrôle dans les moments de grandes décisions.

Monsieur le Président, Moussa Dadis Camara, le fauteuil présidentiel n’est pas un banc où on peut s’assoir à plusieurs. Vous êtes le seul véritable maître à bord du navire « Guinée », les autres exécutent. Pas de numéro2 ou de numéro3, que sais-je encore ? Vous seul méritez allégeance. Résistez bon sang, contre toutes ces impertinences. Soldat, vous avez juré fidélité au drapeau national et au peuple de Guinée, pas à un clan, pas à un groupuscule d’individus assoiffés de pouvoir.

Ces marchands d’illusions possèdent des sites Internet, des ‘’reines’’ qui font et défont les réputations, celles-là mêmes qui ont pris les jambes au cou avec le sou du contribuable. Voilà qui nous démange de couper certaines têtes. Excusez-moi M. le Président, je m’emporte là. On me dit du calme, du calme, ça ira, ça ira. Il faut bien que quelqu’un, apparemment, vous le dit, parce que vos conseillers en bois, ne servent pas à grand-chose. Je vais même crier très fort parce je fus de ceux-là, dès le départ qui ont cru en la justesse de vos déclarations. J’ai applaudi votre avènement même si je ne suis pas friand des militaires. J’ai passé des heures derrière mon ordinateur portable à épier tous vos discours et déclarations. Je refuse de croire M. Dadis que mes rêves puissent prendre fin par la faute de certaines personnes malintentionnées animées d’une mauvaise foi soviétique.

J’entends des voix qui s’élèvent du salon à la lecture de cette lettre ; vos porte-flingues ont déjà envie d’en découdre. Chut ! Il ne faut pas troubler les esprits en plus, elle est seulement adressée au Président de la junte.

Le temps du désamour s’est amorcé au sein de l’opinion nationale. Le désenchantement frappe à la porte. Ceux-là qui vous avaient béatifié se détournent de vos envies encore inavouées. Dites aux affidés de ne pas se braquer contre les journalistes. Ceux-là qui nous traitent de scribouillards exilés, diapos sans le sou. Ils vous diront : « des baratins tout ça. La rengaine des aigris. Experts politiques incompétents… »

Monsieur le Président, je suis arrivé au terme de ma lettre. Je vais vous faire revivre STENDHAL qui disait : « le roman est un miroir que l’on promène le long du chemin… » Si la littérature est le reflet de notre époque, si l’Armée guinéenne est à l’image de la société, certains reflets de la société laissent songeurs. Pour illustrer cette maxime de STENDHAL, Monsieur le Président Dadis, malgré votre emploi du temps chargé, je vous invite à voir le film poignant « joueuse » de Caroline Battoro, inspiré du roman de Bertina Heinrichs ou Sandrine Bonnaire (NDLR : actrice Française) incarne Hélène, une femme de chambre soudain propulsée championne d’échecs. L’époque est la réversibilité des statuts. Les patrons se comportent comme des voyous, les Présidents adoptent des codes de parvenus, les stars jouent aux gens ordinaires. En toute logique, les domestiques ont accès à la noblesse : elles deviennent des artistes, des encyclopédies, des reines du savoir. En filigrane se dessine la nostalgie d’une aristocratie ouvrière, l’impérissable mythe de l’univers des médiocres.

Qui aurait cru Monsieur le Président que cette utopie révolutionnaire du 20è siècle reviendrait sur un plan politique en 2009 ? Rien de surprenant : Elle s’articule autour d’une vision parfaitement chrétienne , de renversement radical : les derniers seront les premiers. Les plus pessimistes déclarent que les seigneurs à la gâchette n’ont plus rien à offrir qu’un savoir sclérosé bâti à la seule fin de perpétuer leurs privilèges de classe sociale.

Monsieur le Président, si, au-delà de ces différents maximes, vous décidez néanmoins de faire acte de candidature aux élections présidentielles de janvier 2010, faites-le maintenant pour passer à autre chose. Vous avez parfaitement le droit de citoyen Guinéen. Sachez toutefois que vous ne serez plus militaire mais, ancien Capitane de l’Armée nationale.

N’oubliez surtout pas en définitive que du fond de la misère guinéenne, surgira du jamais vu, la culture sans cesse grandissante de rouspéteur éternel face à aux dirigeants.

Monsieur le président, je vous remercie par avance du temps prit pour me lire, tout en espérant que mes conseils vous seront utiles et vous amèneront à prendre la décision que vous trouvez juste – celle que vous estimez être la meilleure. C’est votre droit le plus absolu avant tout. Quelque soit cette décision, nous prions que Dieu sauve la Guinée et les Guinéennes.

Veuillez recevoir Monsieur Moussa Dadis Camara,
Président du Conseil National de la Démocratie et pour le Développement – CNDD ; Chef de l’Etat ; Président de la République ; Commandant en Chef des forces Armées, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Lettre ouverte adressée par Abdoulaye Youlaké Camara au capitaine Moussa Dadis Camara, chef du bureau de Guinéenews© à Paris, Téléphone : 00 33 6 50 72 28 54

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